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Réaction : Heureux qui comme « Moi, Je »


Le 30 août 2018, Mme Illouz, sociologue a été invitée dans une émission de France Culture, La Grande Table. En effet, ladite sociologue à écrit avec Cabanas, chercheur en psychologie un livre intitulé Happycratie : Comment l'industrie du bonheur a pris le contrôle de nos vie.
Je ne commenterai pas ici le livre en lui-même pour une raison simple et terre-à-terre : il est récent, donc on ne le trouve pas d'occasion pour l'instant. Cela signifie que les critiques que j'évoquerai ici, ne compte que pour l'intervention radiophonique de Mme Illouz. Le livre est certainement bien plus nuancé que sa prise de parole sur France Culture, expliquant certains raccourcis. Cependant, ces raccourcis donnent une vision de la psychologie positive assez lacunaire.
Aussi cette réaction consistera à apporter le nuances, les éclairages qui ne sont pas inclus dans l'émission.

En résumé, la thèse du livre, et d'Illouz dans cette émission, c'est que dans notre société actuelle, les recherche sur le bien-être ont été mis au service de l'idéologie néo-libérale et de ses plus fervents défenseurs, les états et les entreprises. La psychologie en générale et la psychologie positive en particulier, permettrait d'obtenir plus de chacun sans avoir à changer la structure de la société. Les individus seraient en quête du bonheur, et de l'autre côté un marché florissant leur offrirait des solutions à consommer. Les entreprises miseraient elles aussi sur ces solutions, se donnant des airs de philanthropes, après tout, ne se préoccupe t-elle pas du bien-être de ses employés, cachant leur but véritables qui est d'augmenter par là, la productivité de leurs salariés. Ainsi, tout comme les produit de consommations physiques,le développement de soi deviendrait un produit de consommation et un marqueur de réussite.

Je trouve cette thèse extrêmement pertinente, et cela me donne d'autant plus envie de lire les ouvrages de Mme Illouz. Cependant, il me semble qu'il existe quelques raccourcis sur la psychologie positive. Ainsi, je vais tâché de couvrir plus en détail quatre problématiques exprimées par Illouz dans cette entrevue radiophonique :

  1. La crise de la réplicabilité en psychologie
  2. La difficile problématique de la définition : En vrai, c'est quoi le bonheur
  3. Le bonheur, opium du peuple ?
  4. Le bonheur, sans morale et sans vertu
  5. L'égocentrisme dans la recherche du bonheur,

Mais commençons par le commencement : qu'est-ce-que la psychologie positive ? La psychologie positive est un courant de recherche qui s'intéresse aux conditions de bien-être et de santé en psychologie. Fondée officiellement en 1998 par Seligman, des travaux s'inscrivant dans le même projet de recherche ont bien entendu pré-existés. Cependant, c'est en réaction à la très grande majorité de travaux en psychologie concernant le côté obscur de la psyché humaine (dysfonctionnement, troubles, maladies mentales...) que la psychologie positive s'est instituée. Le nom de cette discipline, quant à lui, provient du dernier chapitre de l'ouvrage Motivation and Personality d'Abraham Maslow : Toward a positive psychology


La crise de la réplicabilité en psychologie :


Bien que l'objectif soit noble, de nombreuses critiques ont été formulés contre la psychologie positive : au niveau de sa méthodologie, au niveau de son excès de positivité, au niveau de sa scientificité. Ces différentes critiques sont reprises par Illouz, à raison.
A raison ? Mais alors pourquoi réagir, tout est dit ! Sauf que si les critiques ont pointées des défauts pertinents dans la recherche en psychologie positive, cela n'en fait pas une pseudo-science pour autant, et surtout ces critiques
ne concernent pas tous les travaux de cette discipline. Des chercheurs ont tenu compte de ces critiques et on modifiés leur théories, leurs recherches. Et c'est cela que nous allons voir par la suite. Surtout, la psychologie positive, dont la vision de l'homme est très proche de la psychologie humaniste, se distingue de celle-ci par la volonté de s'appuyer sur des preuves empiriques.
Note : je pars du principe qu'une étude s'intègre à la psychologie positive à partir du moment où elle aborde des questions pertinente pour ce courant de recherche. Par exemple, certains chercheurs étudient les émotions et les capacités de régulation émotionnelle sans s'inscrire dans un cadre théorique positiviste, pourtant leurs travaux sont plus que pertinents pour cette discipline.
Ainsi le but de la psychologie positive serait de promettre une adaptation à toutes les situations, même particulièrement malheureuse. C'est en fait l'un des but majeur des travaux sur la psyché humaine. La psychologie, ainsi que le psychiatrie, lorsqu'elle cherche à traiter un patient, ne cherche rien de moins qu'à ce qu'il s'adapte aux difficultés qu'il éprouve. Cependant, il ne s'agit pas de de guérir ici, mais de prévenir, mieux, de s'épanouir. Illouz dans sa description du but de la psychologie positive, ne parle pas tellement des cas où l'on doit traiter un trouble, que de cette idée qu'avec un ensemble de technique on pourrait éviter ces troubles, voir s'améliorer.
Cette idée de prophylaxie psychologique n'est pas juste un préjugé. Seligman, dans le premier chapitre de son livre What you can change and what you can't change, dit cela
« Depression and anxiety are caused by trauma, particularly bad childhood experience; minimize bad experience, raise children without adversity, and you will banish depression and anxiety ». (« La dépression et l'anxiété sont causés par des traumatismes, en particulier de mauvaises expériences infantiles ; minimisez l'occurence de ces mauvaises expériences, élevez les enfants sans adversité, et vous bannirez la dépression et l'anxiété » ; traduction personnelle).


La difficile problématique de la définition : En vrai, c'est quoi le bonheur


L'une des critique d'Illouz, c'est que finalement, il n'existerait pas de définition clair du bonheur et que ce terme serait devenu un peu fourre-tout. Cependant, en sciences humaines, il n'est pas rare que certains concepts est des définitions différentes selon le courant théorique ou l'approche utilisé par l'auteur d'une étude. La définition de ce qu'est une émotion en est un bon exemple. Du côté sociologique, on peut citer le concept de religion. Quand au côté fourre-tout, il s'explique assez vite : cela arrive parce que l'on part du principe que pour les chercheurs en psychologie, les différentes définitions du bonheur sont cumulative, alors que ceux-ci justement distingue ces définitions et en récuse certaines. De même que l'utilisation dans les média et la vulgarisation de termes comme bien-être, bonheur, satisfaction de manière interchangeable donne une idée de comment les chercheurs utilisent ces mêmes termes. Ce qui n'est pas tout à fait vrai.
On va donc s'attaquer à ce problème, du mieux que l'on peut. En terme de définition, certains voient les chosent en grand et conçoivent le bonheur comme émergeant de conditions de vie spécifiques comme l'acceptation de soi, la maîtrise de son environnement, le développement de soi et la solidarité avec d'autre (Ryan & Deci, 2001 ; Ryff, 1989). D'autres seront plus prosaïque et la définiront comme un ration plaisir/souffrance tombant suffisamment en faveur du plaisir (Kahnemann, 1999) ; dont une expérience est repris pour critiquer la portée de la recherche en psychologie sur le bonheur assez ironiquement).
Bien que Oishi, Diener & Lucas (2009) les utilisent de manières interchangeable, un débat commence à se tenir dans la communauté scientifique pour distinguer les concept de bien-être subjectif, de satisfaction de vie et de bonheur. Pour vous illustrer ces distinctions, je m’appuierai sur un texte de Yew-Kwang Ng : Happiness, Life Satisfaction, or Subjective Well-being ? A Measurement and Moral Philosophical Perspective.
Le bien-être est un terme généralement plus flou. On ajoute généralement un qualificatif pour cette raison : bien-être physique, bien-être psychologique, bien-être subjectif. Est sous-tendue une idée de trouble. Parle t-on du bien-être général ou au sens d'absence de trouble de la santé mentale ?
La satisfaction de vie correspond moins en ce que l'on vit, qu'à la manière d'en faire le bilan. Par exemple, un résistant au sortir de la guerre aurait pu dire à quel point il à été malheureux car les conditions de vie, peut-être de détention dans certains cas lui auront fait vivre plus d'émotions négatives que positives. On parle bien ici de bonheur. Cependant, il pourrait au final être tout de même être content de ces choix en accord avec ses valeurs : ce bilan représenterait sa satisfaction de vie.
Le bonheur quant à lui à été définit plus haut.
Concernant la critique de la définition du bonheur comme un véritable fourre-tout, si cela est vrai dans la vulgarisation scientifique, ce n'est pas le cas dans le milieux académique. Si tant de choses sont associées à la notion de bonheur, des forces de caractères de Seligman (avec le sens que l'on donne à sa vie par exemple) jusqu'aux nombreuses compétences et traits associés, c'est parce qu'ils ont une influence sur le bonheur sans forcément être le bonheur lui-même. A titre de comparaison, c'est comme remplacer « Aristote voyait le bonheur comme un but à atteindre à travers l'exercice des vertus » par « Pour Aristote, le bonheur est un concept flou, un fourre-tout ou l'on mélange un but et des concepts comme les vertus ». Ainsi, des notions comme le sens (donné à sa vie ou à son activité), la résilience, l'auto-compassion, etc... ne sont pas des synonymes de la notion de bonheur, mais désignent d'autres qualités qui peuvent influencer le bonheur.


Le bonheur dans la psychologie positive, opium du peuple ?


La remarque de Illouz sur la recherche actuelle du bonheur est assez ironique. Elle fait remarquer qu dans la recherche du bonheur telle qu'elle se pratiquait dans la philosophie antique, contrairement aux pratiques actuelles, il y avait cette idée d'un travail de nos vertus, afin de s'adapter à un mode de vie considéré comme bon et moral. Ce qui sous-entends qu'actuellement, les méthode d'accès au bonheur seraient amorales et ne se baseraient pas sur un effort constant du travail du caractère.
Je vois parfaitement à quoi elle fait référence. Il existe en effet un courant de penser du développement personnel, qui est l'anti-thèse de la conception des Anciens de comment se recherche le bonheur. Dans cette conception du développement de soi, il y a cette idée que si l'on veut on peut. Il suffirait d'obéir à quelques règles d'excellence pour atteindre le firmament de la réussite sociale, à travers la pensée positive, la visualisation, des habitudes particulière. La passion, la catharsis émotionnelle et l'idée que chacun est unique tiennent une place spécifique dans cette idéologie. On vous boost à coup de phrases inspirantes : « Vis tes rêves, ne rêve pas ta vie », « Deviens une meilleurs version de toi-même », « Fais passer ta vie au niveau supérieure », « pensez positif ». L'idée que tout est possible et que la « seule limite c'est vous » imprègne le discours de ce genre de coaching. Tout ce qu'Illouz dénonce y est présent. Mais, car il y a un mais, cela n'est pas représentatif de tout le coaching, de tout le développement personnel et encore moins de toute la psychologie (positive ou non).
Mais où est l'ironie alors ? Après tout, Illouz dénonce quelque chose de réel. Oui, cependant, il est ironique que d'un côté, Illouz mette dans le même panier cette vision amorale fondée sur le plaisir du développement personnel et la thèse de Seligman. Car en réalité, la vision qu'à Seligman se rapproche beaucoup de la vision qu'avaient les Anciens de ce à quoi devait ressembler la poursuite du bonheur.
Le bonheur s’acquiert par une adaptation de soi à des façons de vivre qui sont bonne ? C'est précisément ce que la psychologie en général, psychologie positive comprise, affirme. Les thérapies cognitivo-comportementales consistent en un travail sur ses habitudes de pensées, ses comportements afin justement de s'adapter au mieux à notre quotidien. En quoi cela ne requiert pas de la discipline et du travail ? En quoi cela ne demande pas de s'adapter à un mode de vie ? Parmi les habitudes, certaines concerneront l'hygiène de vie : comme ne pas boire trop de café dans la journée pour bien dormir, et ainsi éviter un sommeil de mauvaise qualité et la fatigue qui s'ensuit. Cela demande-t-il moins d'effort que d'essayer de vivre simplement comme le conseille la philosophie stoïcienne ? De même, on demandera au patient de prendre note de ses pensées, émotions et comportements lors des situations qu'ils veut changer afin de trouver des stratégies pour contourner le problème. Sans parler des pratiques, tels que les exercices de méditation, qu'ils consistent en de simples exercices d'attention centrée ou d'attention globale, ou qu'ils fassent appels à des capacités de ré-appraisal (= litt. Ré-évaluation. Consiste à réinterpréter un événement différemment, un nouveau travail comme un défi ou une occasion d'apprendre de nouvelles choses au lieu de le voir comme une occasion d'échouer. Ou réinterpréter une émotion, par exemple le stress comme de l'excitation parce que « l'on à hâte de ») ou d'auto-induction d'émotions. Tous cela demande une certaines disciplines et permets de construire des capacité cognitives favorisant la maîtrise de soi. On ne le répétera jamais assez : on ne peut pas contrôler le monde alors qu'il nous est parfois défavorable, il n'est peut-être pas nécessaire d'en rajouter une couche en ne pouvant jamais se maîtriser, idée avec laquelle, je suis à peu près sur que les stoïciens seraient d'accord.
Une autre critique d'Illouz, serait le fait que la quête d'un bonheur auto-centré et un maniaco-positivisme forcené fonctionnent comme un anesthésiant à la souffrance sociale. Les inégalités et les injustices perdurent, mais l'on se priverait de la motivation de se mobiliser contre elles en s'isolant et en ne s'occupant de son petit confort émotionnel. Oishi, Diener et Lucas (2009) expliquent que l'on peut distinguer deux niveau de bien-être qui sont optimum, mais pas pour les mêmes résultats. Un plus haut niveau de bonheur serait corrélé avec des relations sociales plus riches et plus de bénévolat. Cependant, être légèrement moins heureux (sans toutefois pouvoir être qualifié de malheureux) est corrélés avec un plus grand revenu, une meilleure éducation et un plus grand activisme politique. Donc effectivement, le bonheur peut finir par contre-carrer toute velléité d'agir pour les changement, cependant, on notera qu'il faut tout de même atteindre un niveau de bonheur très haut, et surtout, que le niveau de bonheur optimal pour motiver à agir et être efficace, bien que plus bas, reste un niveau de bonheur assez haut. Je ne suis pas certain que beaucoup de personnes puissent atteindre une extase telle qu'elles accepteraient tout. Cependant, cela reste intéressant à garder en tête, en face des stratégies des entreprises qui visent notre satisfaction au travail.
Qui plus est, un positivisme forcené 'est pas forcément bon. Un champ d'étude commence émergé concernant les effets de la diversité des émotions ressentis sur la santé. Le concept d'emodiversity (Quoidbach, Gruber, Mikolajczak, Kogan, Kotsou & Norton, 2014) est une manière de voir la vie affective comme une sorte d'écosystème qui serait fonctionnerait d'autant mieux que les « espèces » le peuplant (= les émotions) seraient diversifiés. Si la valeur prédictive de l'émodiversité (et la pertinence d'établir une équivalence entre vie affective et écosystème) à été critiquée (Brown & Coyne, 2017), l'idée d'une importance d'une vie affective riche et variée pour l'adaptation est quant à elle, assez bien établie. Labouvie-Vief & Medler (2002) ont ainsi investigués deux stratégie de régulation émotionnelle : l'optimisation des affects positifs et la complexification des affects. La première à une visée hédonique et tends à favoriser l'expérience d'affects positifs. La seconde tends à favorise la formation d'une vision complexe et nuancées des situations avec tolérance et ouverture d'esprit sans chercher la répression des émotions, même négatives. Il s'avère qu'un mode de fonctionnement utilisant ces deux approches, c'est-à-dire impliquant une conscience ouverte et nuancée de sa vie affective tout en étant capable d'optimiser les expériences positives sans en abuser serait le plus adaptatif. De plus, la complexité émotionnelle est associée à une plus grande adaptabilité dans les relations interpersonnelles (Kang & Shaver, 2004), dont on sait l'importance pour le bien-être.
Les thérapies congitivo-comportementales de troisième générations, comme l'Acceptance & Commitment Therapy ou le Mindfulness-based cognitive therapy, s’appuient beaucoup sur la pleine conscience, et l'idée d'acceptation de ce que l'on ressent, au lieu d'éviter à tout prix de ne serait-ce que penser à ce qui nous est désagréable. Or, avoir une meilleure conscience de ses émotions, porter attention à ses expériences négatives sans chercher à les fuir, c'est les critères d'un bon développement émotionnel décrit dans les travaux sur la complexité émotionnelle. La psychologie positive utilisant ces méthode, une de ces approches consiste finalement à favoriser une utilisation équilibrée des approches d'optimisation des affects positifs et de complexification des affects.

Le bonheur, sans morale et sans vertu


Concernant l'aspect des vertus, Seligman (oui, lui encore) à réaliser des travaux sur ce qu'il nomme les forces de caractères et les vertus. Visiblement, ce pape de la psychologie positive est bien plus inspiré par la philosophie antique que ce que laisse penser cette interview. Il existerait selon Seligman (Peterson & Seligman, 2004), 24 forces de caractère répartis dans 6 vertus :

  1. Sagesse et connaissance : créativité, curiosité, ouverture d'esprit, aimer apprendre, perspective (?), innovation
  2. Courage : bravoure, persistance, intégrité, vitalité, enthousiasme
  3. Humanité : amour, gentillesse, intelligence sociale
  4. Justice : citoyenneté, justice, leadership
  5. Tempérance : pardon et pitié, humilité, prudence, maîtrise de soi
  6. Transcendance : appréciation de la beauté et de l'excellence, gratitude, espoir, humour, spiritualité.

Certaines pourraient faire grincer des dents, surtout lorsque l'on prétend faire de la science. Comment ça spiritualité ? Et la citoyenneté, c'est vraiment une force de caractère ? Ce serait pas plutôt le résultat d'une éducation formelle ? L'amour ?
Et si l'on regarde, certaines forces de caractères ne concernent pas tant le caractère que des pratique. La citoyenneté ? Il s'agit d'être un citoyen actif et engagé, socialement responsable. L'amour ? Il s'agit d'avoir une pratique régulière de démonstration de son affection pour son entourage. Pour le coup, on pourrait qualifier cette classification des 24 forces de caractère comme d'un fourre-tout, mêlant trait de caractère et pratiques sociales. Il est alors important de savoir ce que Seligman (et les nombreux autres chercheurs ayant contribués à cette classification entendaient par vertu et force de caractère). Une vertu est une caractéristique centrale valorisée par les philosophes moraux et les penseurs religieux. Les six vertus sont celles qui sont le plus revenues à travers l'histoire et les différentes cultures. Elles se subdivise en traits appelés forces de caractère qui correspondent en des tendances assez stable et des moyens de manifester les vertus dont elles font parties. Les thèmes situationnels qui sont les contextes dans lesquels les forces de caractères s'expriment.
On ne peut alors que constater que Seligman ne renie pas l'importance de certaines vertu, ni d'une certaine morale dans la poursuite du bonheur. Mieux, il à essayer de faire une classification systématique et le plus exhaustive possible des facteurs personnels contribuant au bonheur. Cette classification se veut un équivalant du DSM des qualités d'une vie heureuse et épanouie. Si on peut, et on doit, rester critique à propos de cette démarche, cela ne doit pas empêcher de saluer un tel essai. Au mieux cela pourrait être une étape déterminante dans la recherche sur le bonheur, au pire cette conception part dans le mauvais sens, ce qui n'empêchera pas de s'en servir pour savoir ou ne pas aller.

    L'égocentrisme dans la recherche du bonheur, 

Enfin, reste la question de l'individualisme forcené proné par la psychologie positive. La pratiquer revient-il forcément à s'enfermer en soi-même dans sa quête du bonheur ? Et bien il s'avère que non. Cela part deux objets d'étude : celui de l'importance du réseau social d'une personne pour son bonheur, et les travaux sur le sens donné à ses actes et à sa vie
L'importance du réseau social, des relations que l'on entretien avec ses proches sur le bien-être et le bonheur n'a cessé d'être souligner en psychologie, allant à l'encontre d'une vision ego-centrée du bonheur. (Pinquart & Sörensen, 2000 ; voir Helliwell & Putnam pour une revue des corrélations entre bien-être subjectif et les différentes formes de relations sociales). Parmi les mécanismes qui donnent leur importance à l'environnement social de l'individu, il y a ce qui s'appelle le partage social des émotions. Il s'agit simplement de ce phénomène ou lorsqu'il nous arrive quelque chose d'important, ou qui nous bouleverse, parfois qui nous énerve un peu, on se sente l'envie de parler à son entourage. En effet, les amis et la famille d'une personne lui apportent un soutien émotionnel en lui permettant entre autre de partager et de réfléchir sur ses expériences émotionnelles (Rimé, 2009).
Car oui, le sens que l'on donne à ses actes et à sa vie n'est pas une définition du bonheur, contrairement à ce qu'affirme Illouz, c'est juste un facteur qui peut influencer ce bonheur. Le sens de la vie correspond à cette croyance dans le fait de participer à quelque chose qui nous dépasse (au sens spirituel comme le projet d'une divinité ou au sens séculaire comme l'amélioration de la société) et par conséquent que la vie à un sens. Je tiens tout de suite à préciser aux plus sceptique des lecteurs : on parle bien de l'influence de la croyance suscité sur le bonheur, non pas de l'étude de la question métaphysique de si la vie à effectivement un sens.Plusieurs méta-analyses ont permis d'observer des corrélations entre le sens donné à sa vie et la santé d'un individu (Czekierda & al, 2017 ; Roepke & al, 2014) ou le bien-être subjectif (Jin, He & Li, 2016 ; pour la Chine). Participer à quelque chose qui nous dépasse, en s'intégrant à un mouvement religieux, à une association à un syndicat, aux actes de citoyenneté sont autant de façon donner du sens à sa vie, ce qui peut permettre de s'épanouir le tout en intégrant un environnement social.


Conclusion :


Je ne reviendrai pas sur ce que j'ai dit : je pense toujours que les idées d'Illouz sont pertinentes et ses ouvrages font toujours partis de ma liste des livres à lire. Cependant, nous pouvons voir que sa critique fait l'amalgame entre une certaine forme de développement personnel et de coaching, et ce qui est dit dans la littérature scientifique ou dans la pratique clinique de la psychologie positive.
Cette critique d'un certain marché de l'épanouissement personnel à déjà été fait. On pourra citer L'Empire de Coach de Gori et Le Coz sur le coaching en général, ou Enquête sur le business de la communication non verbale de Lardellier dont le titre est suffisamment évocateur. Des promesses spectaculaires sont faites, des valeurs et des attentes sont transmises ainsi qu'une certaine vision de la réussite, et de son atteinte.
Chu, dans un article (non-scientifique certes) souligne ainsi que souvent dans le développement personnel, la réussite correspond plus ou moins avec l'atteinte d'un haut statut social. Emmanuel Frendenrich, Youtuber vendant des formations et du coaching en est exemple assez récent et particulièrement parlant (vous trouverez en note quelques Youtubers qui ont produit des critiques de ladite personne). Son principal produit c'est lui, faisant constamment référence à son mode de vie (villa à Hollywood, hôtels luxueux, voyages autour du monde) et à ses revenus, il vend aussi une certaine idée de la réussite. La réussite à la Fredenrich, c'est se baigner dans une villa de luxe, avoir un corps de culturiste et manger du boulghour. On peut douter qu'un plombier avec quatre enfants soit un exemple de réussite pour cette personne. Pourtant, du point de vue de la psychologie positive, si ce plombier trouvait une certaine fierté à faire un métier utile à la société, rendant service à nombre de personne, arrivant à transmettre ses valeurs à ses enfants afin qu'eux même deviennent des personnes qu'il considère comme bonne et qu'il bénéficiait d'un cercle social de qualité, c'est-à-dire de proches qui l'apprécient et l'aiment, alors il serait très probable que sa vie soit considérée comme une réussite. Une réussite humble, moins tape-à-l’œil que la réussite sauce Fredenrich, mais une réussite tout de même, car celle-ci dépend de ce que le sujet définit comme sa réussite, et du bien-être qu'il en retire en allant dans la direction de celle-ci.
Les valeurs associées à cette réussite font qu'une réussite qui ne se voit pas n'est pas vraiment un réussite. On peut noter une tendance à l'hyper-responsabilisation du coaché. Si il n'y arrive pas, c'est parce qu'il « n'y croyait pas vraiment », qu'il n'y croyait pas assez fort », qu'il entretenait des pensées limitantes », peut être même qu'en réalité « il avait trop peur de la réussite ». Cette dernière assertion permettant à Fredenrich de vendre des techniques de « neuro-conditionnement » sensées travailler sur l'amygdale pour faire cesser l'association qui s'est faite entre la peur et la réussite dans l'esprit du futur client.
Mounk parle de « l'âge de la responsabilité » (Mounk, 2017) : une ère où la responsabilité « en tant que devoir » (=responsibility-as-duty) à perdurée jusqu'aux années 1960, puis est devenue « la responsabilité pour laquelle on doit rendre des comptes » (= responsibility-as-accountability). La « responsabilité « en tant que devoir », c'était la notion que le peuple avait une responsabilité collective de se sacrifier pour le bien de la nation afin de préserver la liberté dans la société occidentale. Avec le tournant néo-libérale de 1960, on serait passé à la « responsabilité pour laquelle on doit rendre des comptes » notamment avec un changement rhétorique dans les discours présidentiels. Reagan qui mettait en avant le rêve américain, la réussite personnelle, et le fait qu'une personne qui avait fait de mauvais choix dans la vie ne méritait pas d'aide de l'état. Cette idéologie néo-libérale à formée les politiques de gestions des institutions, infusée dans le discours publique, pour finir par inspirer le fond idéologique du développement personnel. Et même si cet effets ne s'était produit que dans les pays anglophones, sachant le succès des traductions de livre de développement personnel de la langue anglaise à la langue française, ce fond idéologique nous serait tout de même parvenu. On en revient à la critique de base d'Illouz, sur l'hyper-responsabilisation et l'atomisation de la société dans le développement personnel d'idéologie néo-libéral, car oui, un certain développement personnel à un gros problème, lorsqu'il promet des miracles intenable, et qu'il culpabilise ses adhérant pour leurs échecs. C'est pour cela qu'une véritable science du bien-être, avec toute sa nuance doit établir ce qui peut permettre aux individus d'avoir une vie épanouissante.

Note :


Pour voir la chaîne d'Emmanuel Fredenrich :


Pour les critiques faites sur Emmanuel Fredenrich :

Thomas Gauthier : « Emmanuel (escroc) Fredenrich - Tabou #9 » https://www.youtube.com/watch?v=kXRl711jwJ4

Seb la Frite : «  Comment réussir sa vie ? » https://www.youtube.com/watch?v=g-rVNQBP8X8
Anthox Colaboy : « Mes chers non-abonnements #45 : Emmanuel Fredenrich » à https://www.youtube.com/watch?v=AY6L7RwDRtw .


Références :

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La synergologie se définit comme « la discipline qui permet de décrypter le fonctionnement de l'esprit humain à partir de la structure de son langage corporel afin d'offrir la communication la mieux adapté » (Turchet, 2015). Elle s’appuierait sur un « éthogramme » reliant des milliers de gestes, postures, expressions faciales, zone de démangeaison (visible par l'acte de se gratter) à des significations très précise. Je mets éthogramme entre des guillemets car il me semble qu'en éthologie, si un éthogramme est bien un répertoire de comportements se voulant le plus exhaustif possible, il s'y rajoute un description du contexte et éventuellement de la fonction de ces comportements se voulant le plus objectifs possible. Ainsi on ne parlera pas de l'immobilité tonique du rat (lorsqu'il se fige) comme d'une expression de la peur, mais comme un comportement lors d'une situation de danger. Dans un éthogramme, la boite noire (pensées et émotions) ne sont pas

Lillienfield, un modèle pour les sceptiques et les psychologues.

 L'article qui suit risque de prendre un ton plus personnel. Déjà je me sens particulièrement redevable par rapport à ce psychologue en particulier. De plus, cet article est écrit à la hâte. "A la hâte sans donner de nouvel depuis plusieurs mois!? C'est la meilleure !" Et vous auriez raison. Ce serait parfaitement justifié.  Mr, Scott Owen Lilienfield, est mort à 59 ans, d'un cancer du pancréas, le 30 septembre de l'année 2020. Né le 23 décembre 1960 dans le Queens, il était expert en dans les troubles de la personnalité . Notamment on lui doit des recherches sur le trouble de la personnalité psychopathique.  Finalement, on avait que des données en rapport avec la loi, sur les critères de la psychopathie (sauf les critères de Cleckley et Hare, qui peuvent tout de même recouvrir des réalités hors incarcérations). Lilienfield nous décomposera le trouble de la personnalité en trois axes: la dominance sans crainte , la tendance à la méchanceté , et l' impulsiv

Les mystèrieuses stats du bonheur : 1. La part génétique

Ce billet est le premier d'une série de trois article sur la formule des 50%-40%-10% d'influence - respectivement génétique, de choix d'activité et environnementales – sur le bonheur. La deuxième partie est ici . La troisième partie est en cours de rédaction. Le saviez-vous : 50% de votre bonheur dépend de vos gènes, 10% de vos conditions de vie et 40% de la manière dont vous décidez de conduire votre vie. C'est scientifique, ne discutez pas... Mais comment on le sais ? Et si c'était un de ces chiffres fantaisistes sortis de nulle part et ne servant que d'argument marketing ? Une sorte d'équivalent des seuls 10% du cerveau que nous utiliserions ? J'ai une bonne nouvelle, contrairement au 10% d'utilisation du cerveau, dont on n'a absolument jamais su d'où ça sortait, les pourcentages sur le bonheur viennent bien de quelque part. Plus précisément, ces chiffres sont ceux donnés par Sonja Lyubomirski dans sont ouvrage : The Ho