La synergologie se définit comme
« la discipline qui permet de décrypter le fonctionnement de
l'esprit humain à partir de la structure de son langage corporel
afin d'offrir la communication la mieux adapté » (Turchet,
2015). Elle s’appuierait sur un « éthogramme » reliant
des milliers de gestes, postures, expressions faciales, zone de
démangeaison (visible par l'acte de se gratter) à des
significations très précise. Je mets éthogramme entre des
guillemets car il me semble qu'en éthologie, si un éthogramme est
bien un répertoire de comportements se voulant le plus exhaustif
possible, il s'y rajoute un description du contexte et éventuellement
de la fonction de ces comportements se voulant le plus objectifs
possible. Ainsi on ne parlera pas de l'immobilité tonique du rat
(lorsqu'il se fige) comme d'une expression de la peur, mais comme un
comportement lors d'une situation de danger. Dans un éthogramme, la
boite noire (pensées et émotions) ne sont pas suggérée car elle
sont trop spéculatives. C'est un point sur lequel l'inventaire des
comportements de la synergologie diffère d'un éthogramme et se
rapproche plus d'un « dictionnaire des gestes ».
Qui plus est la synergologie à été
largement décrié comme étant une pseudo-science. En effet, elle
fait référence à la science (par exemple, le 18/03/19, sur la page
d’accueil du site http://www.synergologie.org/
, on pouvait voir un petit encadré « Communication non-verbale
& recherche » où était fait référence à l'étude de
Legerstee & al (1998) Five- and eight-month-old infants recognize
their faces and voices as familiar and social stimuli.). Cependant,
ses propres affirmations ne sont pas fondées sur des travaux
publiées dans des journaux scientifiques bénéficiant d'une revue
par les pairs. Cela avait été souligné par Lagacé dans un
article sur LaPresse.ca, La pseudoscience du langage corporel.
Cependant il à par la suite il à été mis en demeure par Turchet
sous prétexte qu'il aurait sciemment dissimulé des sources
attestant de la scientificité de la synergologie. L'avocat à ainsi
apporté envoyé une liste d'articles scientifiques, décortiqué par
Denault, Larivée, Plouffe & Plusquellec (2015) dont il est
ressorti que la mention de la synergologie était soit marginale,
soit ne permettait pas d'affirmer sa validité. Certaine utilisait la
synergologie sans en justifier la raison et il y a même une étude
qui était référencé par la mot-clé « synergologie »
mais qui n'en faisait aucune mention ! (probablement du à une
erreur de référencement).
Il existe bien un article de
recherche (Turchet, 2013) portant sur la différence gestuelle de
deux politiques en fonction de la langue qu'il parlent, mais par
manque de sujets (seulement 2 !) et la porté limité de l'étude
(les gestes des mains selon la langue parlée) cela ne permet pas de
confirmer la myriade d'affirmations faites par les synergologues,
quant aux quelques articles qui y feraient référence, elle
n'affirme généralement pas la validité de la synergologie et
l'utilise encore moins (pour plus de détails, voir Denault & al,
2015 et pour une critique spécifique et détaillée de l'article de
Turchet, 2013, voir Rochat, Delmas, Denault, Elissalde &
Demarchi, 2018). Il resterait bien une thèse de Monnin (2008), et
dernièrement une thèse de Turchet (2017) ainsi qu'un chapitre
d'ouvrage universitaire (Turchet, 2016). Enfin, un article tellement
peu connu qu'il n'a même pas été trouvé ni par l'avocat de
Turchet lors de la mise en demeure de Patrick Lagacé (alors qu'il
date de 2014) ni par Denault & al (2015) écris par Indreica &
Henter (2014) utilisant la synergologie pour étudier les dyades
mère-enfant, toujours sans justification de pourquoi les indicateurs
corporel de la synergologie plutôt que ceux utilisé dans d'autres
recherche sur les interactions mère-enfant. Notons que cet article à
été publié (et probablement revu) par des universitaires
spécialisés dans le champs de la psychopédagogie, et non de la
communication non-verbale. Ce qui à permis de laisser passer une
référence à un ouvrage de Joseph Messinger (qui quoi que l'on
pense de lui, n'a pas produit de recherches scientifiques démontrant
la réalité de son approche). Mais notons aussi un référence à un
ouvrage de Cosnier (que je ne peux que recommander) et à un articles
de Bowen & Montepare (2007) publier dans le Journal of
Nonverbal Behavior, LA référence
académique dans ce domaine. Ce sont les seuls travaux
universitaires, utilisant de manière plus consistante la
synergologie, dont j'ai connaissance. Faire publier ses recherches
dans des journaux scientifiques revus par les pairs pourtant un gage
de qualité minimum, non pas que l'on ne puisse pas tricher malgré
dans ce contexte mais dans la majorité des cas, ça permet un bon
contrôle qualité des études publiées.
La revue par les pairs, c'est
lorsque les éditeurs d'un journal scientifiques demande à des
experts du domaine, le plus souvent bénévolement, de lire l'étude,
de dire si il y a des soucis dans la méthodologie et la rédaction
de l'article et décide si celui-ci est valide. Si un chercheur
produisait une étude sur les micro-expressions, un journal
scientifique pourrait demander à Matsumoto, Hwang et ten Brinke de
lire l'étude, et de déterminer si elle est bien faite, donne des
résultats valides et peut donc être publiée, ou si elle doit être
refusée, ou suggérant des modifications.
Encore que pour Matsumoto je ne
suis pas sur, il est bien expert, ayant produit des études sur les
micro-expressions, mais il à une entreprise, Humintell qui vend des
programmes d'entraînement à la détection des micro-expressions.
Cela compterait-il comme un conflit d'intérêt ?
Pour
une critique de la synergologie je vous renvois vers cet excellent
ouvrage de Pascal Lardellier, Enquête
sur le business de la communication non verbale.
Il y a aussi l'expérience de Delmas & al (2015) qui infirme
l'idée que la direction du mouvement de la tête durant un
dénégation puisse discriminer une dénégation mensongère d'une
dénégation véridique (ce qui est appelé la « théorie des
faux-non »). Pour une critique de la synergologie du point de
vue de la méthodologie scientifique en général, je vous renvoi à
cet excellent article de Denault & al (2015).
Maintenant
que vous avez une petite idée du niveau de validité de la
synergologie ainsi que quelques pistes d'approfondissement, je vais
pouvoir arrêter de digresser et parler d'un point trivial, mais
assez drôle. Lorsque l'on veut donner une impression d'expertise et
de crédibilité, il convient d'utiliser un jargon. Ce que fait sans
aucun doute la synergologie. Encore faut-il maîtriser ledit jargon.
Voici un exemple. Sur cette page
(http://non-verbal.synergologie.org/nonverbal/synergologie/scientificite-de-la-synergologie
), on nous parle des modes de validation de la synergologie. Et on
donne cette phrase :
« Si
nous émettons l’hypothèse comme nous le faisons : « Tous
les gens joyeux ont systématiquement la fente palpébrale inférieure
de leurs deux yeux relevée, ne laissant jamais voir le blanc de
l’œil sous l’œil
».
Ici,
le terme fente
palpébrale inférieure
fait référence à la paupière inférieure. Terme technique par
excellence permettant d'asseoir son érudition dans le domaine du
non-verbal. Sauf que... ce n'est pas ça la fente palpébrale.
La
fente palpébrale c'est « la distance du coin le plus interne
de l'œil au coin le plus externe (ouverture des paupières) »
(définition consulté à :
http://www.enfant-encyclopedie.com/sites/default/files/docs/glossaire/Glossaire_Cerveau_FP.pdf
).
De même le Larousse (consulté à : https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/fente/33260 ) donne plusieurs définition de fente dont un anatomique : « Nom donné à divers interstices (fente ethmoïdale, fente olfactive, fente palpébrale, fente sphénoïdale). ». Clairement, la fente palpébrale c'est censé être l'orifice délimité par les paupières. D'ailleurs si vous voulez en rajouter une couche niveau jargon technique vous pouvez le dire de cette manière : La fente palpébrale est l'orifice dont la longueur est délimitée par l'endocathion (= coin de l’œil côté nez) et l'exocanthion (coin de l'oeil côté oreille) et bordée en largeur par les paupières inférieures et supérieures.
De même le Larousse (consulté à : https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/fente/33260 ) donne plusieurs définition de fente dont un anatomique : « Nom donné à divers interstices (fente ethmoïdale, fente olfactive, fente palpébrale, fente sphénoïdale). ». Clairement, la fente palpébrale c'est censé être l'orifice délimité par les paupières. D'ailleurs si vous voulez en rajouter une couche niveau jargon technique vous pouvez le dire de cette manière : La fente palpébrale est l'orifice dont la longueur est délimitée par l'endocathion (= coin de l’œil côté nez) et l'exocanthion (coin de l'oeil côté oreille) et bordée en largeur par les paupières inférieures et supérieures.
Cela pose un problème pour son
utilisation synergologique, en effet, on n'a pas de fentes palpébrale
inférieure, et on ne peut pas relever sa fente palpébrale. Relever
la fente palpébrale reviendrait à faire glisser l'espace entre les
paupières le long de l'arcade, puis du front , comme si on relevait
un masque (en exagérant).
Aussi,
je suggérerais aux synergologues de changer d'expression.
« Élévation de la paupière inférieure » serait
l'option la plus simple, peut-être un peu trop si on veut renvoyer
une impression d'expertise. « Contraction de l'orbiculari
oculi »
ça peut le faire, mais il semble (ce n'est qu'une impression que
j'ai) que Turchet veuille se démarquer de Paul Ekman et faire
référence aux muscle faciaux pourrait donner l'impression de trop
s'en inspirer. Si vous tenez tant que ça à cette expression, alors
la façon correcte de l'exprimer serait celle-ci :
« Tous
les gens joyeux ont systématiquement la bordure
inférieure de la fente palpébrale
de leurs deux yeux relevée, ne laissant jamais voir le blanc de
l’œil sous l’œil »
Bien entendu, ça ne transformera
pas magiquement la synergologie en une discipline fiable et éprouvée
par la science, mais ça évitera sûrement qu'un médecin (ou un mec
chiant comme moi qui aime bien vérifier des trucs) ne pouffe de rire.
Références :
- Bowen, E., Montepare, J. (2007). Nonverbal Behaviour in a Global Context: A Time for Dialogue – Journal of Nonverbal Behavior 31, nr. 3/2007
- Cosnier, J., Brossard, A. (1993). La communication non verbale, Lausanne: Delachaux et Niestle.
- Delmas, H., Elissalde, B., Denault, V., Rochat, N., Demarchi, S., Tijus, C., & Urdapilleta, I. Une nouvelle croyance sur le mensonge: La théorie des «faux non» en synergologie. Conference: Colloque Cognition, Langage, Interaction 2015- Université Paris 8, Paris, France.At: Université Paris 8, Paris, France.Volume: Paris : Bibliothèque numérique de Paris 8 France Culture Plus, pp. 20-27
- Denault, V., Larivée, S., Plouffe, D., & Plusquellec, P. (2015). La synergologie, une lecture pseudoscientifique du langage corporel. Revue de psychoéducation, 44(2), 425-455.
- Indreica, E. S., & Henter, R. (2014). Mother-toddler relationship based on synergological reading : An analytical study. Journal Plus Education, 160-164.
- Lardellier, P. (2017). Enquête sur le business de la communication non verbale: une analyse critique des pseudosciences du" langage corporel". Éditions EMS.
- Messinger, J. (1995). Les gestes qui vous trahissent, Paris: First.
- Monnin, C. (2008). Impact de la communication voco-visuelle dans filemanagement sur la motivation des collaborateurs (Doctoral dissertation, Thèse de doctorat inédite). École Polytechnique Fédérale de Lausanne, Suisse).
- Rochat, N., Delmas, H., Denault, V., Elissalde, B., & Demarchi, S. (2018). La synergologie révisée par les pairs. Analyse d'une publication. Revue québécoise de psychologie, 39(2), 271-290.
- Turchet, P. (2013). Langue maternelle et langue seconde: approche par l'observation gestuelle. Langages, (4), 29-43.
- Turchet, P. (2015). Le site officiel de la synergologie. Retrieved april 4, 2015 from http://www.synergologie.org/
- Turchet, Ph. et Jacquet-Andrieu, A. (2016). Ruptures de communication en contexte exolingue duel à partir d’indices du langage corporel, in Igor Skouratoff et al, Patrimoine linguistique et culturel des langues romanes : Histoire et actualité. Moscou (Russie) : Presses de l’Université d’État de la région de Moscou, 445-456., 2016
- Turchet, P. (2017). Identification de ruptures de compréhension dialogique en contexte interculturel à partir d'indices corporels (Doctoral dissertation, UNIVERSITÉ PARIS X-NANTERRE).
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