Je
suis tombé il y a peu, sur cet article de Delistraty sur le
site Medium.com : Meet the serial killer whisperer. Dans cet
article, est relaté comment les travaux en psychocriminologie d'une
doctorante du nom de Reid pourrait changer le profiling et comment
elle aurait réussie à établir un profil presque parfait d'un
serial killer avant que la police ne l'arrête.
La
doctorante, Sasha Reid, est criminologue et psychologue du
développement à l'université de Toronto. Son sujet de doctorat
consiste à créer une base de donnée la plus exhaustive possible de
tueurs en série avec toutes les caractéristiques que l'on puisse
recueillir à leur propos. L'idée étant, que les facteurs de risque
pour devenir tueur en série se situerait en grande partie dans le
développement et les expériences sociales vécue en fonction de
celui-ci. On reconnaît ici l'influence de son background de
psychologue développemental. A côté de ça, Reid cherche aussi à
avoir une base de donnée des victimes de tueur en série, afin de
retrouver des patterns dans le mode opératoire de leur tueur, ou
dans les caractéristiques qui ont fait que tels personnes à été
choisies comme victime par tel tueur.
Reid
définit un tueur en série comme : une personne ayant commis
trois meurtres, ou deux meurtre plus un tentative minimum,
avec un délai entre chaque acte. Les meurtres doivent être
motivés par une gratification personnelle, et ne doivent
pas être une réponse à une agression. Les actes doivent avoir
été planifié en avance et après délibération
consciente.
Cette
définition est plus contraignante que celle du FBI : individus
ayant commis deux meurtres ou plus à des moments séparés.
(National
Center for the Analysis of Violent Crime, 2008)
Sa
base de donnée, constituée en 4 ans de travail, sur les tueurs en
série regroupe lesdits tueurs identifiés depuis le 15èmes siècles
(4500 tueurs en série en tout !) et contient 600 variables
possibles concernant le développement physique et psychologique de
ceux-ci. Parmi les caractéristiques pouvant faire évoluer une
personne vers un comportement de tueur en série suspecté par Reid
on retrouve :
- Les traumatismes infantiles (dont le divorce des parents, ou des abus)
- Lequel des parents agissait violemment
- Cela impliquait-il des atteintes sexuelles
- Quel finalité visait ce parent
- Quel tueur avait une chambre dont la peinture contenait du plomb
- Lesquels ont souffert de lésions cérébrales et de quels types
- Ont-ils souffert d'asthme et cela à t-il influencé négativement leur capacité à se faire des amis en ne pouvant pas faire de sport ou jouer de manière assez active
- Comment ils traitait le chat de leur famille
- Si ils avaient des fantasme sexuels tôt
On
notera que même pour des caractéristiques physiques qui ont l'air
absurdes (comme l'asthme ou la peinture au plomb) ce n'est pas un
lien direct qui est visé, mais un impact sur le développement de
l'enfant qui aura lui même un impact sur son environnement social
(maltraitance ou moins bonne capacité à se faire des amis en cas de
développement intellectuel défaillant si il y a exposition au plomb
par exemple. Même chose en cas de QI bas, moins de compétences
sociales, moins de facilité à avoir des copains). Pour le chat...
serait-ce un biais dû au fait qu'elle à un chat (du petit nom de
Giz) ? Non, je plaisante, c'est impossible, quelqu'un qui aime
les chats ne peut qu'avoir raison 😃
Plus sérieusement, la maltraitance des animaux peut-être une source de traumatisme et une forme d'apprentissage social normalisant la violence. On pensera aussi la triade de MacDonald - obsession pour le déclenchement du feu, énurésie et cruauté envers les animaux – qui serait une prémisse aux comportement violent, voir aux homicides.
Plus sérieusement, la maltraitance des animaux peut-être une source de traumatisme et une forme d'apprentissage social normalisant la violence. On pensera aussi la triade de MacDonald - obsession pour le déclenchement du feu, énurésie et cruauté envers les animaux – qui serait une prémisse aux comportement violent, voir aux homicides.
De
même, toujours d'après Reid, les tueurs en série auraient des
pensées violentes et sexuelles assez intenses dès l'âge de 8 ans
pour certains, et dès 12, poseraient un danger pour eux-même ou
pour autrui. L'idée n'est pas de dire que dans ce cas, la personne
est destinée à finir tueur en série, un personne avec ces
caractéristiques de développement peut avoir un changement dans sa
vie qui peut la mener à une vie plus normale. Mais ce genre de
caractéristiques semblent plus associées à un futur de tueur en
série, que l'absence de ses caractéristiques.
L'autre
base de donnée sur les victimes,dont une partie de la construction à
été déléguée à 13 étudiants de licence volontaire, se fonde
sur des rapport du Searche and Rescue (SAR), la base de donnée de la
Native Women's Association of Canada (NAWC), les faits divers et les
témoignages des familles et amis des victimes de meurtre. Sont
regrouper des information démographiques, ethniques, géographiques
ainsi que l'âge des victimes.
L'utilisation
de l'informatique et du croisement de données afin d'arrêter un
tueur en série n'est pas nouveau, loin de là. L'arrestation de Ted
Bundy, en 1975 s'est faite en partie par le croisement de trois
listes : les camarades de lycée d'une de ses victimes (Linda
Healy), les propriétaires de Volkswagen et celles vivant dans la
zone environnant les victimes de Bundy.
En
1983, le FBI avait lancé ViCAP (pour Violent Criminal Apprehension
Program). Sauf qu'il fallait répondre à 189 questions, pour avoir
une analyse. Même si plus tard, il ne fallait « plus
que »
95 variables, on comprendra que ce système n'était pas le plus
ergonomiques (ni le plus utilisé d'ailleurs).
Ont
suivi d'autres systèmes : Rossmo, en 1991, et son algorithme
qui corrélait le lieu de vie supposé d'un tueur d'après la
localisation de ses victimes, Aamodt, 1992, et son Radford Serial
Killer Database qui compilait les informations démographique de 4500
tueurs en série (l'article ne précise pas si Reid en est partie),
Hargrove, en 2015, et son Murder Accountability Project (MAP) qui
utilise un algorithme fondé sur le mode opératoire, l'endroit et le
moment des meurtres ainsi que les informations démographiques
concernant les victimes afin de réduire les proposition de tueurs en
série potentiels. Sinon, les travaux s'intéressent beaucoup aux
trait de la personnalité : psyhcopathie, narcissisme.
On notera que ces approches sont avant tout comportementales : on s'intéresse à où, quand et comment le tueur en série agit. Il n'y a pas encore eu de base de donnée concernant la cognition, le développement de celle-ci et son rôle dans la manière dont quelqu'un devient tueur en série. Encore moins qui regrouperaient des facteurs de risque. Certains chercheurs appellent à s'intéresser à la manière dont les tueurs expérimentent subjectivement leur vie et leurs traumas, comme Skrapec (2001), pensant que des réponses sur pourquoi des personnes deviennent des tueurs en série s'y trouveraient.
On notera que ces approches sont avant tout comportementales : on s'intéresse à où, quand et comment le tueur en série agit. Il n'y a pas encore eu de base de donnée concernant la cognition, le développement de celle-ci et son rôle dans la manière dont quelqu'un devient tueur en série. Encore moins qui regrouperaient des facteurs de risque. Certains chercheurs appellent à s'intéresser à la manière dont les tueurs expérimentent subjectivement leur vie et leurs traumas, comme Skrapec (2001), pensant que des réponses sur pourquoi des personnes deviennent des tueurs en série s'y trouveraient.
Il
serait aussi possible, théoriquement, de faire le chemin inverse :
partir des victimes et des caractéristiques du meurtres pour
remonter les trajectoires de vies les plus probablement à l'origine
de cette manière de faire et cibler ses victimes.
Mais
passons à la prouesse de Reid. En juillet 2017, sur deux nuit de
recherche, elle remarqua que trois personnes aux caractéristiques
proches avaient disparues :
- Skandaraaj, « Skanda », Navaratnam, 40 ans, réfugiée du Sri Lanka, disparut dans une boîte de nuit du quartier gay de Toronto en septembre 2010.
- Majeed « Hamid » Kayhan, 58 ans, natif d'Afghanistan, disparut dans le quartier gay de Toronto en octobre 2012.
- Abdulbasir Faizi, 42 ans, natif d'Afghanistan, disparut de Toronto en décembre 2010.
Les
trois partageaient donc une origine géographique proche (même ville
de disparition), un age similaire et des caractéristiques physiques
semblables (cheveux et barbe noire ou marron) et peut-être même une
orientation sexuelle similaire. Elle crut déceler un pattern (ce qui
s'avérera vrai par la suite) et décida d'appeler la police pour
parler de ses découvertes.
D'ailleurs,
l'estimation du profil est décrit et est lui-même intéressant.
Elle détermina que c'était probablement un homme, étant donné que
85% des tueurs en série sont masculin, qu'il serait en contact avec
la communauté gay, notamment le Village Gay de Toronto, sans l'être
ouvertement, qu'il vivrait plus probablement à Toronto et aux
alentours. L'estimation de sa profession est aussi intéressante,
elle a déterminée que ce devait être un col bleu, c'est-à-dire
quelqu'un ayant un travail manuel, ce qui lui aurait apporté des
facilités pour le démembrement, et éventuellement la connaissance
d'un lieu ou cacher les corps. Enfin, elle pensait qu'il aurait le
profil développemental de quelqu'un qui se sent poussé à tuer des
hommes gay quarantenaire. Quel profil développemental me direz-vous.
Et je vous répondrai, j'en sais rien, le journaliste ne s'étend pas
dessus, et je trouve ça super dommage. De plus, elle à supposée
que le tueur aurait probablement une ascendance moyen-orientale, ce
qui lui à d'ailleurs valu pas mal d'e-mail haineux l'accusant de
racisme (elle ne précise pas pourquoi elle supposait cela,
cependant, on peut faire cette hypothèse : si on à tendance à
être attirer statistiquement plus par des personnes
psychologiquement proche de nous, c'est-à-dire à qui on donne plus
de traits similaires aux notre, et que les victimes de ce tueur ont
été approchés sur la base d'une attirance, alors cette déduction
n'est pas illogique).
Puis
le 18 janvier 2018, la police finira par arrêter le tueur en
question : Bruce McArthur. Il correspondait au profil établi
par Reid en tout point, sauf pour son ascendance. Deux autres
meurtres ont été rattaché à cet homme : Selim Esen, un
turque, gay de 44 ans porté disparut en avril 2017 et Kinsman, un
barman du Village Gay, porté disparut en juin 2017. Il était déjà
connu par la police par rapport à des violences commises envers des
prostituées, ce qui lui avait valu une interdiction temporaire
d'approcher le Village Gay et de faire appel aux services d'escorts.
On
ne sait pas si la police à fini par utiliser les informations
données par Reid, qui plus est, personne dans le service de police
de Toronto n'a fait mention de l'appel de Reid (le policier
interviewé à cependant rajouté qu'il ne voyait aucune raison de
douter du fait que Reid ait bien appeler la police)
Sur
le premier point, on peut facilement comprendre : la police ne
pouvait pas arrêter et interroger tout les hommes pratiquant un
métier manuel et fréquentant le Village gay, habitant à Toronto ou
aux alentours. Je ne saurait dire combien de personnes ça fait, mais
ça doit en faire pas mal. Quant au deuxième point, vu le nombre de
coup de fil par jour, on peut comprendre que l'officier en question
ne se soit pas rappelé l'appel de Reid, surtout un an après.
On
me fera remarquer que l'idée que les traumatismes infantiles, ou que
la trajectoire de développement pourraient expliquer pourquoi
certaines personnes deviennent tueuses en série n'est pas nouvelle.
La fascination pour les biographies des tueurs en série en est une
manifestation. Cependant, c'est la première fois, à ma
connaissance, que l'on essaie de tester cette idée d'une manière
aussi objectives, avec des outils statistiques et une méthodologie
aussi rigoureuse et surtout, réfutable puis modifiable. C'est
pourquoi j'ai hâte de voir ce que donnera cette thèse, et les
prochains travaux de Reid.
Références :
- Delistraty, C (2018, November 1) Meet the serial killer whisperer. Medium.com. Retrouvé à https://medium.com/s/thenewnew/meet-the-serial-killer-whisperer-dccd0a6c6b9b
- National Center for the Analysis of Violent Crime (NCAVC). (2008). Serial Murder: Multi-Disciplinary Perspectives for Investigators.
- Skrapec, C. A. (2001). Phenomenology and serial murder: Asking different questions. Homicide Studies, 5(1), 46-63.
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