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Le refrain du cerveau droit et du cerveau gauche, le retour.


Lorsque vous vous faites votre réseau de veille, afin de vous tenir au courant des nouvelles dans les domaines qui vous intéressent, vous tombez parfois sur des choses surprenantes. Figurez vous que, idoine, je pensais que le mythe du cerveau gauche-cerveau droit commençais à tomber doucement en désuétude. Et là : BOUM ! Un article de Slate titre : « Votre boss n'utilise que la moitié de son cerveau », repéré par Hakim Mokadem. Celui-ci s’appuie sur un rapport récent d'Accenture, une entreprise de services professionnel dans la consultance, la stratégie de développement, la communication digitale, la sécurité, et bien d'autres. Le reproche qui serait fait est que les leaders n'utiliseraient que leur cerveau gauche, qui serait associé aux capacité analytique, à la réflexion séquentielle et pas du tout leur cerveau droit, qui serait associé à l'empathie, à l'intuition, à la pensée globale. Noter que cela, Mokadem ne fait que reprendre quelques éléments de l'article de Forbes, « Accenture Report Shows: The Large Majority Of Leaders Use Just Half Their Brain », et n'explique pas pourquoi tant de leaders (89% selon Accenture) n'utiliseraient que la partie gauche de leur cerveau. Heureusement, l'article de Forbes est plus fourni. On n'y apprend que les leaders dans les entreprises ont souvent suivis un cursus en master des écoles de commerce qui s'appuierait trop sur la pensée analytique, linéaire, fondé sur les faits et quantitatifs. En gros, il est reproché à ces cursus de s'appuyer trop sur les fait et la science et pas assez sur les compétences sociales et de gestion émotionnelle (ce que l'on nomment parfois soft skills).
Personnellement, à ce point, je me pose déjà une question toute bête : comment ils le savent ? Ont-ils scannés des centaines d'individus pendant qu'ils travaillaient et ont montré une sur-activation de leur hémisphère cérébral gauche ? Ont-ils fait passer des tests neuropsychologiques afin d'établir un profil cognitif et dégagés que les leader utilisaient préférentiellement des stratégies de traitement de l'information séquentielle plutôt que globaux ?
Ce qu'Accenture à fait, c'est de sonder 200 cadres supérieurs, et 11000 employés et clients. Ce sondage révèle que :
  • 65% des cadres supérieurs admettent que leur compétences liées aux cerveau droit sont plus faibles (Comment le savent-ils ? Comment le mesure-t-il ? Leur avis subjectif est-il fiable?)
  • Seuls 8% des leaders utiliserait une approche utilisant les deux hémisphéres actuellement, mais 82% prévoieraient de le faire dans les 3 ans à venir (comment se définit concrètement cette approche utilisant le cerveau entier ? Comment se définissent respectivement les approches cerveau gauche et cerveau droit ?)
  • Sur une échelle de 7 points, le groupe le plus important de clients et d'employés d'une compagnie notent en terme d'importance, le leadership fondée sur les compétences liées cerveau droit deux points au-dessus que ce que notent les leaders eux-même (Cool, ils marquent une préférence, mais comment étaient définit les « compétences liée au cerveau droit » dans le questionnaire ? Ces compétences dépendent-elles d'ailleurs uniquement du cerveau droit dans les faits?)
Et je vous mettrais pas toutes les statistiques, parce que, mis-à part « Attention !!! faut pas oublier d'utiliser le cerveau droit !! Les gens aiment bien ça ! Et vu que les gens aiment bien ça, 9 entreprises sur 10 prévoient de combler le « fossé » (oui gap, carrément) des compétences du cerveau droit !!! »
Juste une dernière en fait, apparemment, 8% des leaders qui appliquent une approche centrée sur le cerveau entier montrent déjà une hausse des revenus sur trois ans de 22%... Ces derniers chiffres, franchement, sont plus qu'ambiguë. Parce que soit, l'approche cerveau entier vient de commencer, ce qui signifie grosso-modo que malgré des décennies de coaching et de développement personnel les leaders commencent à peine à se dire qu'en plus d'être techniquement compétent, se serait pas mal d'être un minimum sympa au boulot, et dans ce cas, c'est à la fois encourageant par la suite, mais c'est pas difficile vu comme c'était avant.
Soit, ça signifie que la dynamique avait commencé bien avant, mais que malgré tout, seuls 8% des leaders qui se montrent compétents techniquement et sur leur compétences sociales arrivent à en tirer un bénéfice.
Point de vue méthodologie, on voit le problème : pour Accenture, mathématique et logique = cerveau gauche ; émotion intuition et empathie = cerveau droit.
En soi, du point de vue des connaissances, c'est pas entièrement faux, juste EXTREMEMENT simplifié (oui oui, au point de le mettre en capital, je vous jure). En effet, il est vrai que l'hémisphère gauche semble plus spécialisé dans le traitement linéaire de l'information et que cela aide pas mal en mathématique. Et l'hémisphère droit est plus spécialisé dans la perception globale de l'information (et la perception de visages tant qu'on y est).
Sauf que... la cognition sociale, c'est-à-dire l'ensemble des capacités et des compétences cognitives que l'on utilise pour réguler ses émotions et naviguer entre les diverses situations sociales, utilise les deux hémisphères cérébrales ! Bien sur, il existe une asymétrie, qui fait que pour certaines fonctions, un hémisphère est un peu plus performant que l'autre, ce qui ne signifie pas que l'on utilise ce seul hémisphère spécialisé. Un exemple d’asymétrie, c'est celle des cortices frontaux dans la tendance à l'approche ou à l'évitement. La motivation à l'approche serait plutôt géré par le cortex frontal gauche et la tendance à l'évitement plutôt par l'hémisphère droit. Certains auront entendu la même chose à propose des affects positifs et négatifs. Ce qui à fait débat : l’asymétrie des cortices frontaux, une affaire de motivation ou de valence émotionnelle ? Pour faire simple, l'étude de la colère, qui est une émotion à valence négative (donc qui correspondrait à l'hémisphère gauche) mais qui induit une tendance à l'approche (donc qui correspondrait à l'hémisphère droit) à démontrée que cette asymétrie étaient bien liée à la motivation à approcher ou à éviter quelque chose, et non à la valence émotionnelle, puisque la colère provoquait une plus grande activation du cortex frontal droit (voir Harmon-Jones & Harmon-Jones, 2011, pour revue). Ces deux tendances, et leurs hémisphères cérébrales participent pourtant aux interactions sociales.
Un contre-exemple pourrait être le gyrus fusiforme, qui est impliqué dans le traitement des visages. Les gyrus fusiformes fonctionnent les deux mais avec une plus grande activation du gyrus droit. Donc la perception des visage, qui est une compétence sociale, serait bien une affaire d cerveau droit, celui-là même que les leaders voudraient développer ! SAUF QUE... Le gyrus, c'est aussi l'aire de la classification des oiseaux, ou même des voitures pour peu que ceux-ci deviennent un domaine d'expertise (sur le gyrus fusiforme, voir le chapitre « Reading faces and bodies », Ward, 2016). Classer les voitures est-elle une affaire d'empathie ou d'intelligence émotionnelle ? Pas vraiment. Et puis, catégoriser des trucs, c'est pas sensé être une affaire de logique ?
Bref vous l'aurez compris, utiliser son cerveau droit ou son cerveau gauche, ça ne veut rien dire, à moins d'avoir subi un hémisphérectomie, auquel cas, quoi qu'il arrive vous ne pourrez utiliser que l'hémisphère restante. Éventuellement, on pourrait parler de mettre plus d'emphase sur les compétences sociales et émotionnelles, soit un domaine de compétence différent plus qu'un hémisphère différent. Surtout qu'avec ce genre de discours, on remets au goût du jours des croyances dont se nourrissent des formations à côté de la plaque comme celle proposée à la fin de cette page : http://formationquantique.com/cerveau-gauche-et-cerveau-droit-je-retrouve-lequilibre/ (et en plus elle dit que l'on trouve la colère dans le cerveau gauche, or, nous avons vu qu'en tant qu'émotion favorisant l'approche, la colère implique au moins le cortex frontal droit !).


Références :


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