Ce que je vous propose ici, c'est une synthèse en français de cette interview de David Matsumoto, car elle se révèle intéressante mais n'est pas disponible avec les sous-titres français. Matsumoto est professeur de psychologie à l'université de San Francisco, dont il dirige l'un des laboratoire de recherche, le Culture and Emotion Research Laboratory. Il est aussi le directeur d'une société de formation en analyse du comportement et en détection du mensonge nommée Humintell qui propose entre autre des formations sur le repérage de micro-expressions, d'expressions subtiles mais aussi sur la place de la culture dans la communication. Il à travailler auparavant avec Paul Ekman, et ce faisant il fait parti des tenants de la théorie des émotions fondamentales, de leur universalité, de l'universalité de leur expression. Il fait aussi parti des personnes croyant (et ay ant apporté un début de preuve) que les micro-expressions faciales pourraient être un indice pertinent de mensonge.
Ce qui est intéressant c'est qu'il couvre la communication non-verbale au sens lare du terme, et dans des champs d'application assez variée, ce qui peut être une mini-introduction fort sympathique à ce domaine de recherche passionnant.
Vous trouverez la synthèse en-dessous de la vidéo. Lorsque je connais l'expérience à laquelle fait référence David Matsumoto, ou que je connais une expérience similaire, je le précise. Je parle ici d'études spécifiques citée par Matsumoto, je ne compte pas trouver une étude par affirmation non plus.
Quand je disais qu'il couvrait la communication non-verbale au sens large, ce n'était pas une hyperbole. Dés le début de l'interview David Matsumoto fait remarquer que le non-verbal ne s'arrête pas au corporel. Le champs d'étude de la communication non-verbale comprend de nombreuses subdivisions : l'étude de l'environnement physique, l'étude des vêtements, accessoires et modifications de l'apparence. Matsumoto nous parle aussi d'un domaine qu'il appelle les behavior traces (les traces comportementales) : les traces de choses que l'on fait, mais qui restent même en notre absence et qui permettent à une personne de former des inférences sur la personne en question même en son absence. Ces behovioral traces peuvent inclure le modèle de voiture d'une personne, la manière dont elle organise son bureau.
Les comportements dynamiques (expressions faciales, mouvements de mains, de tête, etc) font partis d'un sous-domaine que Matsumoto appelle le comportement non-verbal et qui est une partie du domaine plus général de la communication non-verbale.
La deuxième questions concerner la proportion d'information transitant par les canaux verbaux et non-verbaux. D'après lui, la recherche montre qu'en cas de congruence du non-verbal et du verbal, le canal verbal compte pour une grande proportion dans l'information transmise. Mais en cas d'incongruence, c'est le non-verbal qui apporterait le plus d'information. Dans le cas d'incongruence, le pourcentage d'information transmises de manière non-verbales serait estimé à une fourchette se situant entre 65 et 95%.
Ce qui pose la question suivante : est on suffisamment formé au comportement non-verbal ? Lui souligne que bien que l'on ait un entraînement formel à la communication verbale, via l'école, l'entraînement à la communication non-verbale se fait de manière informelle, sur le tas durant les interactions familiales et avec les pairs. Selon lui, cet entraînement est suffisant puisque pour la plupart, nous arrivons à interagir, mais cela reste une compétence implicite, hors de la conscience.
Juste après, la journaliste aborde l'un des sujets les plus controversés, même actuellement, du champs de recherche du comportement non-verbal : la question de l'universalité des expressions faciales émotionnelles, notamment celles des émotions dites fondamentales et de l'universalité de ces émotions elles-mêmes. Quand on lit les journaux, les sites et les blogs de vulgarisations concernant ce sujet, ou même des blogs de psychologue ou de professionnels de l'accompagnement, du coaching, de l'entrepreneuriat, de la vente, on à l'impression que cette histoire d'universalité des six, ou des sept émotions de base est quelque chose de totalement accepté et qu'il n'est même plus question d'en débattre. Et pourtant, rien n'est plus faux. En réalité, si ce modèle bénéficie de certains arguments empiriques en sa faveur, certains autres résultats ne peuvent être expliqué par cette théorie des émotions de base, ce qui en fait au mieux une théorie encore en cour de construction (à ce propos, vous pouvez vous intéresser à la théorie de la construction psychologique des émotion de Feldman-Barrett (Barrett & Russell, 2014), ou celle de l'approche de l'écologie comportementale des expressions faciale de Fridlund (Fridlund, 2014). Aussi, étant donné la posture théorique de David Matsumoto concernant ce sujet, j'étais assez intéressé de connaître sa réponse. :
Il nous explique tout d'abord que les humains ont une habileté innée à avoir un ensemble d'émotions et de les exprimer de la même manière dans toutes les cultures. Cependant, la culture, les normes et les règles vont moduler ces expressions en fonction de :
ce qui devra ou non provoquer une réaction émotionnelle
quelles expressions émotionnelles seront adéquates
comment moduler ces expressions au moment où on les ressent.
Parmi les arguments qu'il avance, un est assez intéressant, à sa connaissance les recherches portant sur les réactions émotionnelles (versant expressifs) à des stimuli où l'on est certains de l'émotion que l'on va induire et que c'est cette émotion qui sera induite, montreraient toutes des réactions similaires à travers différentes cultures, en revanche il y a des résultats plus disparates concernant la perception et l'interprétation des expressions faciales. Autrement dit, quand une expérience est faite pour induire une émotion spécifique et que l'induction est réussie, les sujets montrent les mêmes expressions quelque soit leur culture. Les différences sont obtenue lorsque l'on demande aux personnes d'interpréter la signification d'une expression faciale émotionnelle.
L'intervieweuse demandera par la suite s'il est vrai qu'il existerait 19 types de sourires, dont seuls 6 seraient caractéristiques de la joie véritable. Pour Matsumoto, la recherche sur les sourires n'est pas encore assez avancée pour que l'on puisse déjà déterminer un nombre précis de type de sourires différents. Fun-fact, en réalité aucune étude n'a démontrée l'existence de 19 sourires spécifiques. La journaliste fait références à un étude qui à été mal vulgarisée par des journalistes. Cette étude (Korb et al., 2014) consistait à faire produire 19 types de sourires à un avatar de visage en 3D. Ces sourires impliquaient divers autres mouvements faciaux, parfois retrouvés dans d'autres expressions faciales émotionnelles. Les sujets les observaient et devaient juger si le sourire leur paraissait authentique ou non (6 le furent). Il ne s'agit donc pas de l'observation de 19 types de sourires produits spontanément par des sujets, et si rien ne permet de dire que ces 19 sourires ne sont pas produit sur le terrains, rien ne permet de l'affirmer non plus.
De même il serait trop tôt pour déterminer combien il existe d'expressions, associée ou non à des sourires et dénotant un état affectif positif ou négatif. Il reconnaît aussi volontiers que l'on peut sourire sans ressentir de joie, en ressentant de la joie et ne pas sourire lorsque l'on est joyeux, ce qui correspond à la problématique de la cohérence faciale. Pour une critique au sujet de la cohérence faciale, je ne peux d'ailleurs que vous conseiller de vous reporter aux travaux de Fernandez-Dols,de l'université de Madrid (Fernández-Dols & Crivelli, 2013).
Est ensuite abordée un question très intéressante, et assez peu discutée en dehors du monde universitaire : l'homogénéisation de l'expressivité émotionnelle provoqué la mondialisation et le contact permanent entre les différentes cultures. Les données montreraient une certaines homogénéisation entre les cultures, surtout dans les zones urbaines très denses. Ceci dit, il manquerait des recherche sur le degré d’homogénéisation de l'expressivité des émotions et de ce qui devient saliens émotionnellement ou non ainsi que les règles d'expressivité des émotions. Son avis est que cela doit se produire aussi, avec les média, mais qu'il n'y a pas de recherches pour confirmer cette intuition. Pour illustrer son propos, il cite une étude qui a portée sur la reconnaissance des emblèmes gestuels dans différentes cultures. Un emblème gestuel est un geste ayant une signification linguistique précise (un mot ou un message) et qui est donc propre à sa culture. L'étude en question à montrée que malgré tout, 8 ou 10 emblèmes étaient tout de même reconnues dans différentes cultures (Matsumoto & Hwang, 2013). Cette homogénéisation concerne cependant l'interprétation des emblèmes, pas leur production. Autrement dit, la mondialisation à aider à interpréter le pouce en l'air comme un message positif dans le monde entier, mais ça ne signifie pas que le monde entier l'utilise.
Un aspect plus proche du mensonge concerne la poker face, c'est à dire le fait de neutraliser la production d'une expression faciale afin de rester impassible. David Matsumoto expliquera que cela est très difficile, d'autant plus si l'émotion qui en est à la base est très intense. Il donne ici son opinion (et l'admet), ajoutant qu'il y a tout de même des résultats empiriques, de sa part et de celles d'autres chercheurs, montrant par exemple que si l'émotion est forte, alors il y aura une fuite de l'expression neutralisée, immédiatement avant le sourire. Cette fuite, ce « reste » d'expression ne sera cependant perceptible pour tous, ce qui peut donner l'impression d'une poker face.
Cela amènera la journaliste à demander si notre corps dit toujours la vérité, ce à quoi Matsumoto répond, assez subtilement, que le corps ne dit pas la vérité ou le mensonge, mais indique des émotions et des cognitions (opérations de pensées) inconscientes ou non-verbalisées. La question de savoir si ce sont des vérités ou des mensonges viendra plutôt de l'interprétation de celui qui perçoit. Ceci dit, toujours selon Matsumoto, le corps incarne les émotions et les cognitions qui sont parfois en contradiction avec les déclarations verbales. Il prendra comme exemple le cas des micro-expressions faciales. Celles-ci ont été découvertes à l'origine par Haggard & Isaac qui ont publiés à se propos en 1966. Haggard & Isaac étudiaient les patients internes d'un hôpital psychiatrique qui avaient tendance à cacher les émotions en entretien. Un jour où ils analysaient des films image par image, ils se rendirent compte que même si un patient disait aller bien, juste avant de le déclarer et de montrer un sourire, il montraient brièvement une expression de tristesse, qui ne pouvait être vue que sur quelques images. Ils les nommèrent des micro momentary expressions (« expressions micro-momentanées ») (Haggard & Isaacs, 1966). Ensuite, Ekman et Friesen trouvèrent ce même pattern de micro-expression suivit d'un sourire dans leur étude sur des patients d'un service psychiatrique (Ekman & Friesen, 1969). Les personnes non-entraînées passent souvent à côté de ces micro-expressions et les quelques uns qui les repèrent ne savent pas ce qu'ils voient, ni comment l'interpréter.
Ensuite, il est demandé à Matsumoto de parler de Facial Action Coding System. Il y explique qu'il s'agit d'un outil de mesure pour étudier les comportements faciaux, quels qu'ils soient. Il décompose chaque mouvement musculaire et les changement d'apparence du visage qui y sont associés ainsi que l'intensité et la symétrie de chacun de ces mouvements. On peut détailler le timing des mouvements, dont les phases de contraction et de décontraction.
La suite de l'interview explore ensuite le rôle du reste du corps dans la communication non-verbale.
Il commence par la gestuelle manuelle, notamment les illustrateurs. Ceux-ci servent à illustrer (d'où le nom) et à animer le discours. Ceux-ci peuvent transmettre l'excitation de l'interlocuteur, ou lui permettre de mettre l'emphase sur un mot. La gestuelle manuelle peut complémenter, supplémenter, préciser ou contredire le discours.
Il parleront aussi de la démarche. La recherche des 10-20 dernières années montreraient que l'on peut déduire l'état mental d'une personne d'après sa démarche. La différence principale qu'il fait entre le démarche et la gestuelle manuelle est que l'on parle finalement assez rarement en marchant et que le lien avec la parole est bien plus étroit avec les mains. Il donnera aussi un argument d'ordre neuro-fonctionnel : l'aire de Broca qui est fortement impliqué dans la production du langage, situé dans l'hémisphère droit, se situe très près de l'aire motrice qui contrôle entre autre les mains. Il fait un lien avec certaines recherches qui montrent que si l'on empêche à un sujet de bouger les mains, cela entravera ses performances cognitives. Cela peut entraver la résolution d'un problème mathématique, ou provoquer un baisse de performance mnésique.
Le sujet des vêtements est abordé par la suite. Les vêtements communiquent sur le type d'impression que veut produire quelqu'un. Il dira, avec une certaine humilité que les fabricants de vêtements en savent probablement plus que lui étant donné que ce n'est pas son domaine de spécialité.
Le non-verbal dans la classe : Là aussi il admettra sans mal que les recherches en science de l'éducation ne sont pas sa spécialité. Fidèle a sa première définition de la communication non-verbale, qui englobe aussi l'environnement, il donnera tout de même son opinion sur le fait qu'un enseignant à déjà une piste d'influence par la manière dont il aménage l'espace de cour : la forme des bureaux, leurs placements, ce qui est affiché sur les murs. Ils peuvent par exemple favoriser des interactions de groupes, des échanges en face-à-face. Il exprimera aussi le regret de constater que dans nos sociétés, on accorde beaucoup d'importance sur ce qui doit être dit et moins sur comment on dit ce qui doit être transmit. Il prend l'exemple des compliments qui ne seront pas reçu de la même manière selon ce qui est dit autour : critique constructive, encouragement, etc
La question sera posée à propos de comment les parents peuvent créer un environnement aussi sains pour leurs enfants à travers leurs comportement, et leur manière d'aménager leur maison. Matsumoto expliquera que souvent, nous n'avons pas conscience de comment on agit. Il conseillera au passage de tenter l'expérience de se filmer en train d'enseigner (en référence à la question précédente) car cela peut offrir un regard nouveau sur notre manière d'interagir. Il précisera aussi que les enfants apprennent beaucoup, pas forcément de ce qu'on leur dit, mais aussi de ce qu'ils observent de leur parents. Cela inclut comment les parents interagissent avec autrui, mais aussi comment ils gèrent leur état émotionnelle. D'ailleurs ça porte un nom spécifique : La référentiation sociale
La journaliste demandera à Matsumoto de raconter les tenants et aboutissants d'une recherche trans-culturelle ou il compare des étudiants japonais aux étudiants américains. Il commence par expliquer que nous pouvons décrire différentes cultures et les comparer à partir de différentes dimensions, dont l'individualisme-collectivisme, mais déplorera que l'on glisse trop facilement de l'échelle culturelle à l'échelle individuelle. Ainsi on aurait tendance à coller le stéréotype du collectiviste à un individu en sachant qu'il appartient à une culture collectiviste. Dans la recherche auquel la journaliste fait référence, lorsque Matsumoto et ses collaborateurs firent passer des test de valeurs culturelles aux étudiants, 70% des étudiants japonais se retrouvaient classés plutôt vers le pôle individualiste de l'axe individualisme-collectivisme (Matsumoto et al., 1996). Les américains comparativement se retrouvaient moins polarisés en terme d'individualisme. Ainsi, une culture peut-être collectiviste tout en accueillant un grande part d'individu individualistes.
Malgré le problème de stéréotyper les individus d'une culture selon leur culture, Matsumoto exprime le fait que les stéréotypes se sont pas mauvais en soi et existe car ils servent une fonction. Il reconnaît la fonction cognitive de pouvoir regrouper, classer et mémoriser le monde extérieur. Mais selon lui, le stéréotype sert aussi à préserver une sens de soi, individuel et culturel, et de sa propre importance. Est abordée la question des interactions homme-machine, par le biais de la question de la ressemblance. La journaliste demande s'il faut que le machine ressemble presque parfaitement à l'humain pour que l'on interagisse de manière satisfaisante avec. Matsumoto pointe qu'un minimum de ressemblance peut favoriser l'échange, mais qu'on ne sait pas au-delà de quel seuil la ressemblance n'apportera rien de plus. Cela varierait probablement en fonction du contexte.
Enfin, Matsumoto finira en expliquant que pour lui, la société actuelle perd de vue l'importance des interactions en face-à-face, et que même si la technologie offre des solutions et des alternatives, ne pas profiter de ces moments de face-à-face nous fait perdre quelque chose.
Références :
Barrett, L. F., & Russell, J. A. (2014). The psychological construction of emotion. Guilford Publications.
Ekman, P., & Friesen, W. V. (1969). Nonverbal leakage and clues to deception. Psychiatry, 32(1), 88 106.
Fernández-Dols, J.-M., & Crivelli, C. (2013). Emotion and expression : Naturalistic studies. Emotion Review, 5(1), 24 29.
Fridlund, A. J. (2014). Human facial expression : An evolutionary view. Academic Press.
Haggard, E. A., & Isaacs, K. S. (1966). Micromomentary facial expressions as indicators of ego mechanisms in psychotherapy. In Methods of research in psychotherapy (p. 154 165). Springer.
Korb, S., With, S., Niedenthal, P., Kaiser, S., & Grandjean, D. (2014). The Perception and Mimicry of Facial Movements Predict Judgments of Smile Authenticity. PLoS ONE, 9(6), e99194. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0099194
Matsumoto, D., & Hwang, H. C. (2013). Cultural Similarities and Differences in Emblematic Gestures. Journal of Nonverbal Behavior, 37(1), 1 27. https://doi.org/10.1007/s10919-012-0143-8
Matsumoto, D., Kudoh, T., & Takeuchi, S. (1996). Changing patterns of individualism and collectivism in the United States and Japan. Culture & Psychology, 2(1), 77 107.
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