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Mariés au premier regard : bien sentir pour bien choisir ?



Mariés au premier regard : bien sentir pour bien choisir ?



                Cet article fait partie d’un dossier concernant une émission de télé-réalité se vendant comme une expérience de psychologie sociale sur M6 : Mariés au premier regard. Le concept de cette adaptation d’une émission américaine est simple : tester de manière scientifique les candidats, afin de déterminer qui sera le plus compatible avec qui, et proposer à ces sujet de se rencontrer pour la première fois lors de leur mariage, de passer quelques semaines ensemble et de décider à la fin si ils veulent rester maries ou divorcés. L’angle de ce dossier sera avant tout méthodologique et théorique : ce qu’ils font/utilisent est-il en accord avec le consensus scientifique ? La manière dont ils le font est-il valide ? Le précédent article « Mariés au premier regard, une arnaque à l’engagement » traitait d’un biais expérimental induit par le fait de devoir se marier d’entrée de jeu.              



Si vous avez regardez le premier épisode de l’émission diffusé le 7 novembre, il ne vous a pas échappé que les candidats ont dû passer par une batterie de test impressionnante. Au départ, je voulais faire un article sur les tests, tous les tests. J’ai commencé ma recherche bibliographique sur l’odeur… J’ai vite changé de plan. Chaque test aura donc droit à son article.

                Le premier test abordé consiste en cela : chaque sujet doit porter un t-shirt durant trois jours. Aucuns signes distinctifs entre les-t-shirt. Ceux-ci seront ensuite sentis par les sujets du sexe opposé au porteur et jugés agréable, ou non. C’est tout ce qu’on sait.

La première question à se poser est, l’odeur joue-t-elle seulement un rôle dans l’attraction des humains ? La réponse est oui. Cependant, il y a un piège : hommes et femmes ne sont pas égaux sur ce point. En effets, les femmes considèrent l’odeur comme un facteur de choix de partenaire plus important que ne le font les hommes

Passons d’abord par une petite mise au point biologique : Les phéromones, sont des hormones qui sont excrétée pour influencer le comportement d’autrui. On distingue parfois les phéromones incitatrice (signal pheromone), ayant un effet à court-terme et les phéromones modificatrice (primer pheromone), ayant un effet à long terme. Une autre différence est que la première à un effet directe sur l’organisme destinataire et suffit à provoquer un effet et qu’on le retrouve chez les invertébrés, la seconde (primer pheromone) est présentes chez les vertébrés et sont effet dépendra d’autres facteurs tels que l’état hormonal (ce qui nous intéressera dans la suite de ce billet) et l’expérience du destinataire. 

Côté production, ce sont des glandes spécialisées qui sécrètent ces phéromones. Chez l’humain elles seraient situées à l’aisselle, au niveau des tétons, au pubis, sur l’oreille externe, sur les paupières… La position de ces glandes ne serait pas fortuite, en effet des zones hirsutes peuvent favoriser la dispersion des phéromones, et l’aisselle étant l’une des zone externe les plus chaude du corps (et étant poilu) c’est la première ou la sudation se produit et donc où la phéromone est excrétée pour rejoindre l’air libre. A noter que l’importance de ces glandes dans l’aisselle est telle, que l’on parle parfois de glande axillaire.

Mais une fois ces composés volatiles répandus, encore faut-il qu’il soit perçut. Chez les mammifères, les amphibiens et les reptiles, c’est l’organe voméronasal qui tient cette fonction. Cet organe a été découvert pour la première fois par un chirurgien, Ludwig Jacobson (on parle parfois d’organe de Jacobson) en 1810. On le retrouve chez les mammifères. Cependant, chez les primates, et notamment chez l’humain, l’organe est vestigial : c’est-à-dire que celui-ci existe, mais est devenu un vestige de l’évolution, il reste présent car il était déjà présent chez nos ancêtres mais ne fonctionne plus. Pourtant, chez l’embryon cet organe est présent comme un système complet et distinct, mais durant l’embryogenèse celui-ci s’atrophie. Chez l’homme adulte, l’organe de Jacobson se réduira à quelques neurones semblant n’avoir aucun lien ou aucunes synapses ne se projetant dans le cerveau. De même, chez les mammifères, la partie dorsale du bulbe olfactif, appelée bulbe olfactif accessoire est dédiée au traitement des phéromones. Chez l’humain, nul trace de cette région.

Pourtant, différentes expériences mis en place attestent de l’effet de ces phéromones sur le comportement humain : par exemple sur la fréquence d’interactions comme les relations sexuelles ou sur la synchronisation du cycle menstruel.
 

Comment l’expliquer ? Certains chercheurs pensent que l’organe voméronasal serait tout de même fonctionnel. Une autre hypothèse serait que la voie olfactive traditionnelle ( en bref le nez, le pif, ou le tarin…) puisse tout de même capter ces phéromones et que les fonctions du bulbe olfactif accessoire ait été intégré par le reste du bulbe olfactif. 

Parmi les fonctions supposées (et tendant d’ailleurs à être démontrées) une nous intéresse, le lien entre odeur, et caractéristiques du partenaire. L’odeur permettrait, de déterminer la qualité des gènes du partenaire. Ainsi, la préférence en termes d’odeur est dirigée vers les hommes ayant les corps et les visages les plus symétriques (la symétrie étant elle-même corrélée avec une meilleure santé, un corps plus robuste, etc). De même, les femmes préféreraient les odeurs d’homme ayant un système immunitaire complémentaire au leur histoire d’obtenir un meilleurs patrimoine immunologique pour leur enfant.


Youpi ! On est sauvé ! Reniflé des t-shirt est un test valide ! Les candidats sont sauvés !!!!!! En fait non. En effet, il existe quelques problèmes méthodologiques qui peuvent fortement influencer l’utilité de ce test. Rappelons qu’il consistait à faire porter à chacun des participants un t-shirt sans caractéristiques distinctives (pour l’anonymat) pendant trois jours et à le faire renifler par les sujets du sexe opposé.

L’odeur : pour que ce test soit valide, il faut que certaines conditions soient réunies. Évidemment, pas de déodorant durant le port du t-shirt. Mais pas de savons odorant non plus, il faut un savon sans odeur, et si cela n’a pas été précisé aux candidats, cela risque de poser problème. Mais il faut aussi éviter certaines nourriture (ognon, herbes, fromages forts, choux, yaourt entre autre). Pas d’alcool, pas de cigarette (donc ne pas non plus rencontrer de personnes qui fument), et pas de câlins. Là, on a un t-shirt à peu près valide pour l’expérience. L’émission ne dit rien de comment ces conditions ont été contrôlées. 

Mais un autre problème surgit très vite : le cycle hormonal des femmes. La recherche sur le lien entre phéromones et attraction a été parfois contradictoire, mais l’a été beaucoup moins lorsque l’on s’est rendu compte que le cycle menstruel avait un effet sur la perception des phéromones mâles. Vous vous rappelez que l’odeur peut aider à déterminer si le partenaire à un profil immunologique complémentaire au sien, hé bien cette préférence se manifeste surtout lors de la période d’ovulation. Qui plus est, on a remarqué que les femmes qui prennent la pilule contraceptive préféraient les t-shirts d’hommes ayant un profil immunologique similaire au leur. L’une des hypothèses à ce propos serait que la pilule donnerait le même type de signaux que si la femme était enceinte et la pousserait à approcher des personnes au profil immunologique similaire, qui ont plus de chance d’être des individus proches de son groupe d’appartenance. En gros, si les chercheurs n’ont pas pris en compte le cycle menstruel ou la prise de la pilule, leur test à de très fortes chances de n’avoir pas servi à grand-chose. Le groupe femme risque de présenter de nombreux sujets, ayant certes apprécié certaines odeurs, mais sans que cela puisse permettre de savoir si c’était l’odeur d’un partenaire potentiel, ou une odeur attestant d’un profil immunologique similaire donc ayant plus de chance d’appartenir à quelqu’un du groupe du sujets testé.


Conclusion :

L’idée de se servir de l’odeur d’un t-shirt porté trois jours n’était pas mauvaise en soi, surtout pour un premier écrémage de partenaires potentiels, puisqu’il semble que l’être humain produise et puisse percevoir et réagir à ces phéromones et qu’en plus elles puissent avoir une fonction dans la sélection d’un partenaire Mais des facteurs ont de fortes chances d’avoir biaisé ce test, d’autant que l’on a aucune donnée sur les précautions qui ont été prises. Parmi les biais expérimentaux on notera l’hygiène (le plus facile à limité) mais aussi la consommation de nourriture, d’alcool et de cigarette, l’environnement social (quelqu’un qui fume, des proches qui sont tactiles). On notera un biais expérimental bien moins contrôlable : le moment du cycle menstruel de la femme et la prise de la pilule contraceptive, qui ont pu totalement biaiser le choix des t-shirts.



                Références :



- Bhatnagar, K.P., Smith, T.D. & Winstead, W. (2002) The human vomeronasal organ: IV, incidence, topography, endoscopy, and ultrastructure of the nasopalatine recess, nasopalatine fossa, and vomeronasal organ. American Journal of Rhinology, num. 16, p. 343–350.


- Boehm, N. & Gasser, B.  Sensory receptor-like cells in the human foetal vomeronasal organ. Neruroreport, num. 4, 1993, p. 867–870


- Herz, R. S., & Cahill, E. D. (1997). Differential use of sensory information in sexual behavior as a function of sex. Human Nature, 8, 275–286


- Herz, R.S. & Inzlicht, (2002) M. Sex differences in response to physical and social factors involved in human mate selection: The importance of smell for women. Evolution and Human Behavior, 23, pp 359-364.


- Gangestad, S.W., Thornhill, R., and Yeo, R.A. (1994) Facial attractiveness, developmental stability, and fluctuating asymmetry. Ethology and Sociobiology, 15:73–85


 -Grammer, K. Fink, B. et Neave, N. (2005) Human Pheromones and Sexual Attraction. European Journal of Obstetrics & Gynecology and Reproductive Biology 118 ; 135–142


- Mostafa, T., El Khouly, G. and Hassan, A. (2012) Pheromones in Sex and Reproduction: Do they Have a Role in Humans ? Journal of Advanced Research, 3, 1–9


 -Stern, K., and McClintock, M.K. (1998) Regulation of ovulation by human pheromones. Nature, 392:177–179


- Thornhill, R., Gangestad, S.W. (1999) The scent of symmetry: A human sex pheromone that signals fitness? Evolution and Human Behavior, Vol 20(3), 175-201


- Trottier, D. (2011) Organe voméronasal et pheromones humaines. Annales françaises d’oto-rhino-laryngologie et de pathologie cervico-faciale (2011) 128, 222—228


- Wedekind, C., Seebeck, T., Bettens F., & Paepke, A.J.  (1995). MHC-Dependent Mate Preferences in Humans. Proceedings of the Royal Society B. 260 (1359): 245–249


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