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LATE : il n'est jamais trop tard pour découvrir de nouvelles causes de démences.


Au début du mois de mai, des chercheurs de l'université du Kentucky (Nelson & al, 2019) ont donné un nom à un diagnostique pouvant causer des démences. Ce nom, c'est LATE, pour Limbic-predominant Age-related TDP-43 Encephalopathy (= encéphalopathie TDP-43 à prédominance limbique liée à l'âge). Ce type de pathologie était déjà observée avant, mais on ne lui avait pas donné de nom spécifique, on constatait juste que l'on retrouvait des protéines TDP-43 déformée dans certaines zones du cerveau lors d'autopsies, chez les personnes atteintes de démences avant leur décès. En prenant en compte une série d'autopsies, la prévalence est évaluée à 20% (mais pourrait aller jusqu'à 50%) des personnes de plus de 80 ans.
Les symptômes ressemblent à ceux d'Alzheimer, dont font parties les pertes de mémoires. Mais l'évolution de ceux-ci est plus lent, plus graduel, et surtout il apparaît chez les adultes de plus de 80 ans.
Les causes sont aussi différentes. La maladie d'Alzheimer est une neuro-dégénérescence dû à l'accumulation de plaques amyloïdes (la beta-amyloïde est un ensemble d'acides aminés secrétées et utilisées dans différentes fonctions cellulaires des neurones). L'autre caractéristiques étiologique est la dégénérescence neuro-fibrillaire. Pour comprendre son action il faut passer par une description de l'axone. L'axone est une partie des neurones que l'on nomme aussi fibre nerveuse, c'est la voie de sortie du signal électrique d'un neurone, ledit signal partant du corps cellulaire (soma) en passant par l'axone pour finir dans les terminaisons axonales. De là elle passeront la zone synaptique (le petit espace entre les connectiques des deux neurones) pour être transmis à un autre neurone.




Avec un petit schéma c'est mieux non ?

Concernant l'accumulation de plaques amyloïdes, une des hypothèses serait que celle-ci empêche l'évacuation d'ion calcium qui via une enzyme, phosphoryle une protéine (= lui ajoute une molécule formé par des phosphates) du nom de synapsine (Ferarelli, 2017 qui présente deux article sur ce sujet), Cette synapsine est sensée lié une autre protéine, l'actine au vésicules synaptiques (= des sortes de poches qui transportent des neurotransmetteurs). Sans cela, les vésicules synaptiques ne se déplacent pas, donc ne conduisent pas les neurotransmetteurs en dehors du neurone, dans la zone synaptique afin d'activer le neurone suivant. A noter, cependant, que l'on se demande encore si l'accumulation de plaques amyloïdes est une cause ou un effet de la maladie d'Alzheimer. En effet, la présence d'une grande quantité de ces plaques sans les déficits de la maladie, ou les déficits de ladite maladie avec peu de plaques on les deux été constatés. En revanche, les déformations des protéines tau et les symptômes de la maladie d'Alzheimer semblent beaucoup mieux corrélés.



En gros, les vésicules synaptiques (= poches à neurotransmetteurs) sont accrochée à la synapsine qui glisse le long du filament d'actine comme une fermeture éclair. Si quelque chose empêchait la synapsine de se lier aux vésicules synaptiques, celles-ci ne pourraient plus être déplacée vers l'extérieur par ce biais, ce qui empêcherait la libération des neurotransmetteurs donc le passage de l'influx nerveux. A noter que ce schéma est incomplet : j'ai choisi de n'illustrer, de manière simplifiée que ce dont je parle en dessous. Il se passe bien d'autres choses entre le déplacement des vésicules synaptiques le long du filament d'actine et leur fusions avec la membrane pour libérer les neurotransmetteurs.

Ces neurones doivent aussi avoir une structure, qui les soutiennent. C'est le rôle des microtubules qui font parti du cytosquelette (la structure qui permet à une cellule de ne pas s'effondrer sur elle-même comme un ballon dégonflé et aident à guider les nutriments et les protéines du soma jusqu'à l'axone). On peut ajouter que ces microtubules permettent le transport de matériaux cellulaires (organites, mitochondries, lipides, protéines...) le long des axones. Les microtubules sont des tubes, formés d'acides aminés placés en spirales et maintenus par des protéines, dont la protéine tau. Il existe une protéine qui se lie et aide au maintient de ces microtubules. Mais parfois, à causes de certaines modifications chimiques, ces protéines tau se détachent des microtubules et s'accrochent entre protéines tau, formant des paquets un peu à la manière des fils d'écouteurs dans les poches, tandis que les microtubules qui ne sont plus maintenues se dissocient empêchant le signal électrique de passer. Ces modification existent aussi chez les personnes âgées saines, mais en général avec une absence d'accumulation de plaques amyloïdes. Ce qui fait suspecter une action de ces plaques amyloïdes sur la déformation des protéines tau.



Cette illustration là est inspirée de celle trouvée à cette adresse (qui explique d'ailleurs le rôle de différentes protéines dans le maintien des microtubules) : ressources.unisciel.fr/biocell/chap4/co/module_Chap4_20.html
Question de droit d'image toussa-toussa.



Les zones touchées sont l'hippocampe et le cortex entorhinal, et s'étendent à d'autres zone du cortex cérébrale : frontal, pariétal et temporal et gyrus cingulaire (Wenk, 2003). D'autres causes sont suspectées (inflammations, stress oxidatif, anomalies mitochondriale...) mais nous ne les traiteront pas ici, principalement car il s'agit d'un article sur le diagnostique de LATE, et non pas sur la maladie d'Alzheimer.
Dans le cas du diagnostique de LATE, rien de tout ça. Ici, ce sont des protéines répondant au nom de TDP-43 qui se retrouvent déformées préférentiellement dans l'amygdale, l'hippocampe et le gyrus frontal médian même si d'autres zones peuvent être touchées (lobes temporaux médian, cortex frontal, etc...). Ces protéines, normalement présentent dans le noyau cellulaire des neurones, se retrouvent par paquet, en-dehors.
Ce syndrome LATE toucheraient 20% des personnes de plus de 80 ans. Pire, bien que son évolution soit lente, il peut y avoir comorbidité avec la maladie d'Alzheimer, c'est-à-dire que les deux peuvent se manifester ensemble, accélérant grandement le processus de neuro-dégénérescence.


Démences
Âge moyen d'apparition
Symptômes notables
Modifications neuropathologique
Maladie d'Alzheimer
65 ans ou +
Perte de mémoire puis déficit cognitifs plus généraux comme des difficultés de concentration.
Accumulation de plaques amyloïdes-béta et neurofibrillation de la protéine tau
LATE (Limbic-predominant Age-related Tdp-43 Encephalopathy
80 ans ou +
Perte de mémoire, mais processus plus lent. Tendance à empirer les symptômes mnésique de la maladie d'Alzheimer
Accumulation de protéine TDP-43
PART (Primary Age-Related Tauopathy)
80 ans ou +
Perte de mémoire, processus encore plus long que dans le syndrome LATE
Neurofibrillation de la protéine tau mais sans plaques amyloïdes-béta
Démence vasculaire
50 ans ou +
Variable selon la zone cérébrale affectée. Peut consister en l'incapacité à former de nouveaux souvenirs, des désorientations, des difficultés de raisonnements ou des difficultés de jugement. Peut aussi impliquer un perte de la vision ou des troubles du langage.
Occlusion de petit vaisseaux sanguin cérébraux ou petits accident vasculaires cérébraux
Démence à corps de Lewy
Variable
Difficulté de contrôle moteur, perte de mémoire, déficits cognitifs plus généraux. Un exemple spécifique de ce genre de démence est la maladie de Parkinson
Protéine alpha-synucléine malformée.
ARTAG (Age-Related Tau AstroGlyopathy)
80 ans ou +
Pas assez de données pour constituer un tableau clinique
Protéines tau déformée autour et sur les astroglies (type de cellule cérébrale appartenant aux cellules gliales)
Démence fronto-temporale
De 45 à 65 ans
Problème comportementaux liés à la régulation émotionnelle dont le contrôle de l'impulsivité.
Dégradation des zone frontales et préfrontales (pouvant être causées par plusieurs facteurs.

Tableau traduit et légèrement ajusté de celui trouvé dans cet article

Le diagnostique de LATE semble avoir en partie une origine génétique. En effet, la présence d'un ou plusieurs de ces cinq gènes pourraient constituer un facteur de risque pour développer cette protéinopathie (=nom des maladie dû à une protéine malformée) :
  • le gène de la granuline (GRN)
  • TMEM106B
  • ABCC9
  • KCNMB2
  • APOE (aussi impliqué dans un sous-type de maladie d'Alzheimer non-familiale).

En bref, une nouvelle cause de démence s'ajoute aux autres. Et sa découverte pourrait être paradoxalement une bonne nouvelle : elle pourrait être un facteur confondant expliquant le peu de succès des essais cliniques de traitements pour la maladie Alzheimer ou parmi les sujets ne répondant pas, pourrait se trouver des sujets ayant des protéines TDP-43 déformée, contre lesquelles les traitements ne sont pas sensé agir. Bien entendu, d'autres recherches devront être faites, notamment pour trouver des bio-marqueur permettant de détecter ces protéines mal-formée, que ce soit au niveau clinique, ou dans la recherche.

Références :

  • Ferrarelli, L. K. (2017). New connections: Amyloid-β, calcium, and the synapse. Sci. Signal., 10(487), eaao3024.
  • Nelson, P. T., Dickson, D. W., Trojanowski, J. Q., Jack, C. R., Boyle, P. A., Arfanakis, K., ... & Coyle-Gilchrist, I. T. (2019). Limbic-predominant age-related TDP-43 encephalopathy (LATE): consensus working group report. Brain, 142(6), 1503-1527.
  • Wenk GL, « Neuropathologic changes in Alzheimer's disease », J Clin Psychiatry, vol. 64 Suppl 9,‎ 2003, p. 7–10. (PMID 12934968)

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